
en lisant en écrivant (Pierre Ménard)
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Date | Titre | Durée | |
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25 Sep 2020 | Chavirer, de Lola Lafon | 00:10:02 | |
Lola Lafon évoque la plongée en enfer d’une jeune fille victime d’un réseau pédophile, les différentes étapes du mécanisme pervers mis en place par les pédophiles, séduisant jusqu’aux parents pour favoriser leur aveuglément. Elle décrit également avec justesse le traumatisme vécu par les adolescentes victimes, la dépression, le renversement de la violence subie en sentiment de culpabilité. « Ce n’est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche ; ces hontes minuscules, de consentir journellement à renforcer ce qu’on dénonce. » Au-delà de l’histoire centrale autour du réseau, il y a un travail autour des corps et de ce que la danse exige de ceux et celles qui la pratiquent. Un livre incontournable sur le consentement, les remords et le pardon. | |||
16 Jul 2021 | Sœur(s), de Philippe Aigrain | 00:19:46 | |
Philippe Aigrain s’est fait connaître par ses ouvrages et ses prises de position sur la défense des libertés, des communs culturels, du domaine public, du partage à l’heure du numérique et pour sa poésie. Avec ce premier roman, il mêle plusieurs voix qui se croisent dans un univers labyrinthique. Un homme reçoit un message énigmatique d’une femme qui prétend être sa sœur et lui demande de l’aide. Elle lui rappelle cette sœur imaginaire de son enfance. Les services de renseignements sont sur le qui-vive suite à la disparition et aux suicides d’hommes ayant été approchés par des femmes sans identité, intraçables, dont le seul point commun est d’être ébahies. Un roman sur la surveillance généralisée et les modifications qu’elle induit sur nos comportements, notre identité, notre rapport à l’autre, dont la poésie nous invite à nous laisser surprendre, à rester ouverts aux autres, disponibles et généreux, en un mot ébahis. | |||
08 Nov 2024 | Si petite, de Frédéric Boyer | 00:14:21 | |
Frédéric Boyer revient sur le décès d’une enfant de huit ans, en août 2009 dans la Sarthe, à la suite de sévices infligés par ses deux parents. « Les enfants découvrent que les histoires les plus terribles sont en réalité celles qu’on leur fait vivre. » L’auteur s’adresse à l’autre qui est lui, afin de mettre à distance la violence inouïe, l’horreur inexplicable de cette histoire. « Comment accorder une place, et laquelle, à ce que nous ne voulons pas croire et qui pourtant arrive. » Ce qui transforme un tel événement en histoire, sans accepter ni même comprendre le mal inimaginable fait à l’autre, il faut selon l’auteur le porter en nous, le dire nôtre, impossiblement nôtre. « Une façon de dire que nous l’avons reconnu, que nous y croyons et que nous n’oublierons pas. » | |||
20 Nov 2020 | Une bête aux aguets, de Florence Seyvos | 00:08:08 | |
Anna, une adolescente pour qui le réel s’est fracturé, souffre à l’abri des regards, entendant des voix qui l’entourent, susurrent à ses oreilles, des sons qui envahissent sa tête. Elle aperçoit des lumières derrière les rideaux, surprend des ombres dans le couloir et craint de se regarder dans le miroir car le visage qu’elle y découvre n’est pas le sien, mais un autre, qui se déforme et la terrorise. Elle sait qu’elle appartient à un autre monde, en marge, qui n’obéit pas aux mêmes lois que le monde ordinaire. Avec ce roman hypnotique et envoûtant, Florence Seyvos nous fait entendre la voix d’une jeune fille décalée, terrifiée par cette bête aux aguets qui l’obsède sans cesse et qu’elle finit par accueillir en elle. Une bête aux aguets, Florence Seyvos, Éditions de l’Olivier, 2020 | |||
30 Jun 2023 | L’âge de détruire, de Pauline Peyrade | 00:14:10 | |
Elsa, une petite fille de 7 ans, vit seule avec sa mère qui n’accepte pas sa solitude. Elle s’accroche à sa fille pour s’empêcher de couler sans se rendre compte qu’elle l’entraîne peu à peu dans son naufrage. Malgré elle, la fillette reporte sur une amie de son âge, le comportement ambigu et déplacé de sa mère. Devenue adulte elle a bien du mal à se défaire de la relation toxique avec sa mère. Ce premier roman troublant de Pauline Peyrade décrit avec finesse, à travers le point de vue d’une enfant, un terrible secret familial qui se reproduit de génération en génération. L’âge de détruire, Pauline Peyrade, Éditions de Minuit, 2023 | |||
22 Mar 2024 | Chambre distante, d’Emmanuel Laugier | 00:12:23 | |
Chambre distante se compose de 111 poèmes écrits à partir de 111 photographies. Le livre, qui offre une approche sensible de photographies très différentes, se présente également comme une histoire de la photographie du dix-neuvième siècle à aujourd’hui. Ces images ne sont pas visibles, ni décrites ni expliquées, parfois nous les reconnaissons, parfois le mystère reste entier. Ce sont les textes qui nous en révèlent l’essence, ce qui se dépose en nous. Leur auteur, leur titre, leur date figurent au recto de la page tandis que le poème se lit au verso. Les poèmes sont à la fois l’évocation et la trace d’un dialogue avec les œuvres et l’expérience d’une écriture : « la description comparative / de l’attente et du présent. » Chambre distante, Emmanuel Laugier, Éditions Nous, collection disparate, 2024 | |||
15 Jul 2022 | Provisoires, de Christophe Manon | 00:12:15 | |
Provisoires de Christophe Manon développe cinq séries de poèmes distincts d’un point de vue formel qui saisissent l’éphémère de nos vies, l’intensité de l’instant, « passions joies / détresses et rage », la beauté du monde, malgré l’écoulement irrépressible du temps. « Le temps / et non l’instant ni l’éternité qui délivre / de cette dérisoire succession d’épiphanies cette / profusion d’effrois de larmes lumineuses. » La poésie de Christophe Manon nous restitue ce qui échappe dans les émotions, leur surgissement brutal, « éblouis et bien qu’éprouvés / par les aléas d’un réel équivoque / prodigue en corps taciturnes / et sourire différés », ce que l’on ne sait pas toujours dire, exprimer ou ressentir sous la surface des jours, quand leur intensité nous submerge, dans la confusion du temps qui passe et du temps passé « comme si c’était demain hier déjà. » | |||
28 Jul 2023 | Sucre, journal d’une recherche, de Dorothée Elmiger | 00:13:25 | |
Dorothee Elmiger compose son récit par petits bouts sous la forme d’un journal de recherche d’une obsession, celle du sucre. Ces fragments provenant de différentes sources (citations, observations, réflexions, rêves, fiction biographique et faits historiques) sont agencés dans un apparent désordre, suivant un long cheminement de pensée et d’enquête, et selon des points de vue variés qui explorent le sujet sans jamais l’aborder frontalement, en se focalisant sur ce qu’il évoque ou provoque. Ce texte mélange des fragments hétéroclites dont le point commun est d’associer sucre et désir à notre histoire coloniale en révélant son enracinement profond dans notre société marchande. | |||
16 Jun 2023 | Dysphoria mundi, de Paul B. Preciado | 00:14:24 | |
Dysphoria mundi repousse toute assignation à un genre littéraire, à la fois essai, journal intime et récit personnel. Paul B. Preciado envisage la dysphorie de genre et tente de la penser autrement, au-delà de l’écart qui existe à l’intérieur de l’individu mais plutôt comme une inadéquation politique et esthétique de celui-ci au régime de la différence sexuelle et de genre toujours en vigueur. Le philosophe en appelle à en finir avec ce qu’il nomme le « capitalisme pétro-sexo-racial » : « destruction des écosystèmes, violence sexuelle et raciale, consommation d’énergie fossile et carnivorisme industriel ». Un livre sur une révolution épistémologique de l’humanité qui propose une manière différente, radicale de voir le monde pour mieux le transformer. | |||
23 Sep 2022 | En salle, de Claire Baglin | 00:10:14 | |
Un job d’été à vingt ans dans un fast-food. Premiers pas dans le monde du travail qui rappelle celui du père. Deux récits alternés en deux temps qui s’entremêlent. D’un côté les souvenirs d’une enfance marquée par la figure d’un père ouvrier. De l’autre côté, un système de restauration dont l’unique but est de procurer à ses consommateurs un illusoire plaisir immédiat afin d’assurer productivité et profit décuplés. Un premier roman singulier dont l’économie de mots et la brièveté nous font ressentir la violence du caractère répétitif et dégradant de ce travail tout en nous révélant de l’intérieur ces modes de vies aliénant qui rendent dépendant d’un travail automatisé où consommation et production sont devenues indissociables. | |||
26 Jan 2024 | Transformation de la condition humaine dans toutes les branches de l’activité, de Frédéric Forte | 00:21:49 | |
Dans ce livre, Frédéric Forte, membre de l’Oulipo, tente de donner un ordre lisible aux textes écrits dans cette forme de 99 notes préparatoires que l’auteur a inventé et qu’il produit depuis une dizaine d’années, des poèmes-essais explorant avec humour et sagacité, les potentialités d’un sujet par un jeu polyphonique, selon différents registres, à la fois sérieux et décalés. « Ce qui se rapproche le plus, en poésie, de la pensée. » Ces notes aux formes très variées se font écho, développant des motifs récurrents, s’entremêlant et se répondant à distance, produisant ainsi dans leur succession accélérée des effets de sens, poétique, narratif, réflexif. La structure du livre est basée sur celle du sonnet : 14 poèmes répartis en deux quatrains et deux tercets, avec un interlude au milieu. | |||
26 Mar 2021 | Jusqu’à très loin, de Romain Fustier | 00:09:46 | |
Jusqu’à très loin, de Romain Fustier, est un livre composé d’une série de cent trente-six textes à mi-chemin du poème en prose et du récit fragmentaire, fait de blocs de textes de dix lignes, répartis chacun sur une page comme les images d’un carnet de voyage sentimental. Les phrases sont saccadées, entre notations spontanées et flux de conscience, leur rythme syncopé, mais leur lecture d’une rare fluidité, souligne la volonté de relier et de relire des éléments a priori disparates, d’y souligner la simultanéité du passé, du présent et de l’avenir. Une succession d’instantanés y scintillent, en vrac, par touches sensibles. Une histoire d’amour et ses chemins de traverse. Dans le mouvement qui les tisse, le regard qui les parcourt. Hétérogénéité d’images, articulation entre souvenir et oubli, dont l’empreinte rappelle le fonctionnement aléatoire de la mémoire. Jusqu’à très loin, Romain Fustier, Publie.net, Collection L’esquif, 2021. | |||
01 Dec 2023 | L’Alligator albinos, de Xavier Person | 00:14:04 | |
Récit personnel sur une histoire familiale complexe, ce livre est traversé de réflexions sur l’état du monde, le dérèglement climatique dont l’auteur décrit les signes inquiétants, de références à de nombreux auteurs et artistes dont il fait résonner les pensées en écho, comme celles de Walter Benjamin pour : « transformer intellectuellement ce qui a déjà eu lieu avec la rapidité et l’intensité du rêve, afin de faire l’expérience, sous la forme du monde éveillé, du présent auquel chaque rêve renvoie en dernière analyse. » Ce récit intime et mélancolique tente de faire le deuil du monde d’avant. Composé de fragments dont les sauts dans le temps et l’espace nous donnent le vertige, il nous révèle comment les douleurs personnelles se juxtaposent aux souffrances universelles. | |||
07 Oct 2021 | Il était une fois sur cent, d'Yves Pagès | 00:15:23 | |
Comme il l’avait fait dans sa collecte de plus de 4000 graffitis urbains du monde entier, retranscrits dans son ouvrage Tiens, ils ont repeint ! Yves Pagès a glané pendant plusieurs années, des centaines de statistiques sur des sujets très variés. Ce vertigineux inventaire, qui place sur un pied d’égalité des choses apparemment sans rapport entre elles, reconstitue par fragments, accumulation et poésie, le tableau d’une société obnubilée par une approche comptable des phénomènes les plus divers, ainsi que l’omniprésence de la statistique dans la façon dont nous analysons le monde contemporain. Un texte réjouissant et salvateur, cocasse et caustique, qui nous invite à porter à notre tour un regard critique et un peu désabusé sur notre époque. | |||
03 Dec 2021 | Cave, de Thomas Clerc | 00:11:43 | |
Dans Intérieur, son précédent ouvrage, Thomas Clerc décrivait scrupuleusement son appartement. Une pièce importante manquait, la cave, qui est le lieu de ce livre. Dans les recoins de cette pièce négligée, l’écrivain découvre un passage secret, sur les murs duquel un flux d’images se déverse. La cave devient alors métaphore de sa vie privée qui défile comme les images des films qui s’y projettent, comme si l’endroit devenait le révélateur de ses fantasmes et de sa vie sexuelle. Une expérience mentale et sensorielle qui tente de restituer la complexité de sa personnalité. Ce livre se présente sous une forme hybride, mêlant descriptions, souvenirs, anecdotes, citations, extraits de textes, de chansons, de films, à la fois autobiographie, réflexion sur la mémoire, exploration familiale, récit du désir et de ses désarrois : « memorandum qui part dans tous les sens. » Cave, de Thomas Clerc, Gallimard, collection L’Arbalète, 2021 | |||
08 Mar 2024 | À quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? de Gaëlle Josse | 00:12:41 | |
Dans la nuit, des silhouettes évasives. Des femmes, des hommes, des enfants, se croisent, s’évitent, se perdent. Ils espèrent, ils attendent dans la nuit, la fin de la nuit. Ils s’aiment, se séparent, se retrouvent. Sous les draps d’un lit, dans une chambre d’hôtel, dans une salle de concert, un hôpital, un aéroport, ou au hasard des rues. Derrière les vitres de la fenêtre de leur appartement, ils observent la ville, le regard distrait. Points de départ, rendez-vous ratés, enlacements et séparations. « La nuit des abandons, la nuit des corps qui jouissent et des corps qui désirent. » Ces courtes histoires s’inscrivent au cœur de la nuit, ce moment où tout peut vaciller et chavirer en un éclair « à l’image de cet infime temps suspendu, à la fois dans le mouvement et en apesanteur. » | |||
24 May 2024 | Vivarium, de Tanguy Viel | 00:13:26 | |
Dans cette série de fragments, éclats de vie, d’écriture et leurs échos souterrains, Tanguy Viel compose un recueil d’expériences, oscillant entre perceptions et réflexions, cherchant à saisir le réel et le présent, à transmettre le vécu aussi bien que le vivant. « J’écris aussi, et surtout, avoue-t-il, pour adhérer au monde. » Ce que le corps a traversé et ce qu’il reste « de villes et de visages, de rencontres et de lectures, d’horloges et de ciels, d’enfance et de sommeil. » Réflexion sur le temps, le langage, la mémoire et la création. « Suspendre l’action, écarter les parois du temps et se contenter de vivre là, dans l’épaisseur même de la durée telle qu’elle se constitue derrière les baies vitrées de notre perception. » | |||
26 Apr 2024 | L’échec : Comment échouer mieux, de Claro | 00:17:44 | |
Ce livre de Claro aborde le thème de l’échec en littérature dans un texte multiforme à l’image de son œuvre, entre essai, réflexions, autobiographie, fiction et poésie, le tout agrémenté de nombreuses citations. Traducteur, écrivain, éditeur, l’auteur aborde cette « passion de la défaite » par le biais de la traduction, en effet pour lui l’échec est au fondement même de la traduction. Comment substituer une langue à une autre, un monde à un autre monde, une époque à une autre ? Puis il s’attarde sur l’écriture et la lecture en évoquant notamment les œuvres de Cocteau, Kafka et Pessoa mais également celles de cinéastes comme Hitchcock et Tarkovski. Échouer en écriture devient la condition même de l’écriture. Un livre vif, stimulant, plein d’humour et de dérision. L’échec : Comment échouer mieux, Claro, Éditions Autrement, Collection Les grands mots, 2024 | |||
31 Dec 2021 | Archéologies ferroviaires, de Bruno Lecat | 00:09:19 | |
« Écrire n’a rien à voir avec signifier, mais avec arpenter, cartographier, même des contrées à venir. » Cette phrase de Rhizome que Bruno Lecat place en exergue de son livre décrit parfaitement son projet. L’auteur nous convie à une déambulation à partir de la gare désaffectée de Vendargues-Montpellier. Il inspecte méticuleusement les vestiges de cette voie de chemin de fer, dissimulée à certains endroits par une envahissante végétation, il relève in situ les signes et signaux ferroviaires, les traces (marques et manques) du terrain à l’abandon, reliquats techniques et dépôts d’objets, en adoptant des points de vue variés afin de faire affleurer toutes les strates du lieu, de l’endroit comme de son envers. Ce livre restitue, à l’aide de cartes, de photographies, de dessins, de relevés topographiques, de souvenirs de voyages, de références cinématographiques et d’évocations littéraire), toute la poésie buissonnière des voies ferrées. | |||
16 Dec 2022 | Tenir sa langue, de Polina Panassenko | 00:11:53 | |
L’auteure raconte son parcours du combattant pour reprendre son prénom de naissance francisé à sa naturalisation. Elle inscrit cette démarche dans l’histoire de sa famille, Juifs ukrainiens, ayant déjà hérité d’une modification onomastique. Son arrière-grand-père a fui les pogroms pour s’installer en URSS, il a choisi de russiser les prénoms de ses enfants afin de les protéger. Le père de l’auteure a fait de même en francisant son prénom russe. L’histoire ne se répète pas cependant. Pauline redevient Polina. Elle convoque les souvenirs de son transfuge linguistique avec beaucoup de fantaisie et un art de restituer les balbutiements d’une enfant qui découvre une langue inconnue. Un premier roman drôle et engagé sur l’identité et l’intégration, qui dénonce, sur un ton enjoué, l’absurdité à vouloir enfermer une personne dans une culture. Tenir sa langue, de Polina Panassenko, Éditions de l’Olivier, 2022 | |||
13 Jan 2023 | Et tout soudain en rien, de Suzanne Doppelt | 00:11:35 | |
« Ce livre, indique Suzanne Doppelt dans sa dédicace, est dédié au film de Michelangelo Antonioni, Blow up, à la nouvelle de Julio Cortázar, Les fils de la vierge et au roman de Witold Gombrowicz, La pornographie. » Après avoir interrogé la peinture dans Lazy Suzie notamment, la danse et la musique dans Meta donna Suzanne Doppelt s’intéresse, à travers l’énigme de la photographie au cœur de Blow Up, à la manière dont le regard peut saisir les choses et quelle est cette incertitude qui habite toute image. Cette prose poétique sonde avec subtilité le rapport de la captation de l’image au monde, aux mots, en menant une enquête sur les fantômes de l’image. | |||
03 Jun 2021 | Le neveu d’Anchise, de Maryline Desbiolles | 00:12:39 | |
Aubin garde un souvenir mémorable et douloureux de son Grand Oncle, Anchise, un soir d’orage où les abeilles de son rucher avaient attaqué sa mère et lui. Le jeune homme s’échappe quelques heures du purgatoire familial et part se dépenser à grandes foulées. Il se réfugie sur les hauteurs du village où se situait l’ancienne maison d’Anchise deux décennies plus tôt, avant que le vieil apiculteur ne « s’immole dans sa voiture ». La maison à l’abandon est en voie de démolition, bientôt les engins de travaux viendront y construire une déchetterie ultramoderne, triomphe du recyclage dans une société de consommation. Aubin y rencontre Adel qui lui ouvre l’horizon, lui fait découvrir la musique de Chet Baker, et l’aide à se révéler. Le neveu d’Anchise de Maryline Desbiolles est un roman initiatique, poétique, rythmé et lumineux. | |||
11 Sep 2020 | Les Présents, d’Antonin Crenn | 00:12:09 | |
Théo, un jeune homme qui a perdu son père lorsqu’il était enfant, voit ce deuil refaire surface vingt ans plus tard, après le retour inattendu d’une vieille connaissance, un ami perdu de vue avec lequel il aimait se promener en ville. Après son premier roman édité par Publie.net, L’épaisseur du trait où il envisageait la ville dans les deux dimensions du plan, Antonin Crenn nous invite, avec délicatesse et sensibilité, à un voyage avec Théo entre l’Est parisien et le Finistère, en quête de ses origines et de son passé, « un passage dans le temps ou, mieux encore, un empilement : plusieurs époques cohabitant dans un même espace. » | |||
14 Jul 2023 | Flirt avec elle, de Dominique Fourcade | 00:14:29 | |
Endeuillé par la mort d’un ami proche et par le déclenchement de la guerre en Ukraine, Dominique Fourcade se lance dans un projet d’écriture hors normes, une forme de journal de résistance. Des poèmes écrits au présent, dans un déferlement nourri de souvenirs, d’incises autobiographiques, se développant dans l’enchaînement de chants successifs (ce que l’auteur nomme des flirts), en référence à de nombreux artistes (Proust, Cézanne, Chardin, Kafka, Bach, Maillol, Uccello, Matisse) comme souvent dans ses textes. Elle, c’est à la fois le féminin de l’amour, de l’écriture et de la mort. Une poésie par temps de guerre en contact avec la réalité : « dans ce sentiment de fin du monde. règles du dénuement règles du dénouement ». | |||
22 Oct 2021 | Hors gel, d’Emmanuelle Salasc | 00:13:48 | |
Hors gel est le dixième livre d’Emmanuelle Salasc chez P.O.L. après neuf ouvrages parus sous le nom d’Emmanuelle Pagano. Ce roman raconte, dans un présent à peine anticipé, une double menace. Celle d’un glacier, dont la poche d’eau souterraine risque d’éclater et d’emporter tout sur son passage, et celle du retour de la sœur jumelle de la narratrice, disparue pendant trente ans. Un récit fait d’allers-retours entre passé et présent, paysages et personnages, vie intime et milieu de vie, inscrivant avec sensibilité la puissance d’un drame familial dans les tourmentes d’un paysage menaçant. | |||
12 Apr 2024 | Cent portraits vagues, de Milène Tournier | 00:16:31 | |
En une ou deux pages, parfois quelques lignes seulement, Milène Tournier parvient à dresser le portrait de femmes, d’hommes, d’âges et d’origines diverses, solitaires souvent, à un tournant de leur existence, avec une sensibilité bouleversante. Elle saisit l’essentielle d’une vie, d’un parcours, d’un moment, d’une personnalité, en allant droit au cœur de celle-ci, sans jamais les caricaturer, mais en rendant leur caractère au plus juste. On retrouve dans ce texte la maîtrise envoûtante de ses œuvres précédentes, entre poésie et théâtre, une voix singulière, un regard aiguisé sur le monde, à l’écoute de ses blessures, de son absurdité. Le vagues de ces portraits est moins indécision que mouvement répété des vagues qui revient sans cesse et finit par nous emporter. Cent portraits vagues, Milène Tournier, Éditions Lurlure, 2024 | |||
19 May 2023 | Petite bande, de Charles Pennequin | 00:16:25 | |
Le livre de Charles Pennequin est constitué d’un ensemble de textes, de poèmes, de « dessins écriturés », de phrases écrites à la main, au feutre ou à l’encre, ou tapées à la machine, sur les doigts, les mains, les visages. « L’écrivain fait des pieds et des mains pour écrire. » Il est question de lumière, de formes, de l’écriture qui vient des dedans et des paroles qui viennent des dehors. « L’écrivain a plusieurs bouches à l’intérieur de ses mains. » Emportés par le flot de l’écriture, par le rythme et la respiration de la voix qui les profère, les formes graphiques du dessin qui les révèle, ces textes s’exposent et explosent dans leur « Énergie pensée parlée tracée ». | |||
31 Jul 2020 | Les méduses, de Frédérique Clémençon | 00:08:47 | |
Les récits qui tissent le roman de Frédérique Clémençon, s’assemblent dans une succession de nouvelles liées entre elles par la lumière des lieux, la présence inquiétante d’animaux en bande (oiseaux, méduses) la fragilité ou la force d’un personnage, cousus ensemble comme un patchwork, et finissent par former une grande histoire débordante d’humanité. Tous les personnages du livre se croisent dans un hôpital de province, pas très loin de l’océan. Certains y travaillent, d’autres y souffrent quand certains ne font qu’y passer. C’est là, entre la vie et la mort, à l’endroit où leurs existences se révèlent les plus fragiles, fébriles, évanescentes, mais les plus vibrantes aussi, qu’ils vont se retrouver. | |||
27 Aug 2021 | La semaine perpétuelle, de Laura Vazquez | 00:11:59 | |
Sara chante et se filme, Salim diffuse des vidéos sur Internet et écrit des poèmes qu’il envoie à son ami Jonathan. Ils passent leurs journées sur Internet où ils s’informent du monde et où ils communiquent entre eux sur les réseaux avec un étonnant détachement. Leur grand-mère est à l’hôpital. Leur père « rêve d’une éponge qui lave le passé. » Ce premier roman de Laura Vazquez décrit un univers singulier où « les objets sont entourés de l’idée d’eux-mêmes », où « les pensées ne connaissent pas leur direction. Elles ne vont jamais quelque part. Elles n’ont pas de destination. Chaque pensée forme une route et les routes forment une carte à l’intérieur de la personne ». Une histoire de famille éclatée en forme de quête poétique, dont la langue inventive, éruptive, donne la parole aux choses et voix aux chapitre, saisissant avec vivacité et jovialité, notre monde connecté. La semaine perpétuelle, de Laura Vazquez, Éditions du Sous-sol, 2021 | |||
02 Dec 2022 | Rivière, de Lucien Suel | 00:13:05 | |
Rivière décrit le quotidien de Jean-Baptiste Rivière qui doit se reconstruire après la disparition brutale de sa femme Claire, son grand amour. « Comment vivre encore quand les clartés de l’amour, de la connaissance, de la foi et de la raison s’éteignent brusquement, quand ce qui faisait le sel de la vie disparaît ? » Jean-Baptiste rafistole son chagrin en mettant les mains dans la terre, en empruntant des livres à la médiathèque, en tweetant également. Enfermé dans son chagrin, seul avec son chien, dans son jardin, il se penche sur son passé, se souvient de sa rencontre avec Claire, de leur histoire d’amour, leurs voyages et la musique qu’ils écoutaient ensemble, tandis que la voix fantomatique de Claire s’insère en creux dans son récit. C’est finalement en se tournant vers les autres, en travaillant pour eux, dans leur jardin, qu’il reprend pied peu à peu. Un roman fluide, épuré et lumineux sur un amour par delà la mort. | |||
20 Oct 2023 | Feu le vieux monde, de Sophie Vandeveugle | 00:11:46 | |
À une époque indéterminée très proche de la nôtre, lors d’un nouvel été caniculaire, d’effroyables incendies menacent la région de la petite ville de Bas-les-Monts. La mobilisation générale a été lancée pour tenter de lutter contre ces feux démesurés qui paraissent ne jamais devoir s’arrêter. De jeunes appelés, séparés de leurs familles, combattent sans relâche cet ennemi d’une rare violence, dont la ligne de front se déplace au gré des vents. Dans l’âpreté de leur combat, cette guerre contre les grands feux, ils apprennent à se connaître. Un premier roman qui parvient à évoquer avec force les catastrophiques conséquences du dérèglement climatique, en lançant un cri d’alerte qui est également un cri de révolte contre un monde qui doit évoluer s’il ne veut pas disparaître en fumée. | |||
27 Jan 2023 | Une histoire du vertige, de Camille de Toledo | 00:15:19 | |
« Ce livre arpente le lieu d’une blessure entre nos vies narrées par les fictions, les langages, les codes humains, et le reste de la vie terrestre ». Né d’un cycle de conférences donné par Camille de Toledo à la Maison de la poésie en 2017, Une histoire du vertige entremêle les genres, entre théorie littéraire et récit philosophique, à partir d’œuvres qui ont traversé les siècles, aussi variées que celles de Cervantès, d’Holbein ou d’Hitchcock, pour aborder, à l’aide de la notion de sentiment vertigineux, la crise écologique et politique que nous traversons. « Comme si, en contrepoint des fictions insensées de Sapiens narrans, au bout extrême d’une histoire de la coupure, pointait un autre horizon à partir de l’emmêlement du Je humain avec toutes les autres vies ». Un livre poétique et politique sur la façon dont nous habitons le monde. | |||
18 Nov 2021 | Ultramarins, de Mariette Navarro | 00:13:28 | |
La commandante d’un cargo, très rigoureuse et professionnelle, accepte d’arrêter son navire au milieu de l’océan et autorise contre toute attente les marins à se baigner en haute mer. Le bateau flotte au milieu de l’océan. Un temps suspendu, une parenthèse pour ces hommes toujours soumis aux routines, aux obligations, comme pour elle, restée à bord, qui les observe du haut du cargo. Un moment de partage également, de sensualité, de laisser aller, de lâcher prise. Une renaissance. « L’espace d’une seconde ils renversent l’ordre des choses, peut-être que quelque part des oiseaux prennent leur envol à l’envers ou qu’une rivière, d’un coup, remonte à sa source : voilà ce qu’ils pressentent, en vrac, et chacun dans sa langue ». Un roman envoûtant et vertigineux, à la fois métaphysique et fantastique. | |||
24 Mar 2023 | La maison préservée, de Willem Frederik Hermans | 00:12:31 | |
Un partisan, au service de l’armée russe pendant la Seconde Guerre mondiale, se retrouve dans une ville délabrée. Il s’installe dans une maison abandonnée mystérieusement préservée. Le soldat s’y sent à l’abri. La seule chose qui lui rappelle la réalité, dans cet endroit où le temps semble s’être arrêté, ce sont les soldats allemands qui par erreur le prennent pour le propriétaire de la villa. L’absurde de la situation devient une normalité, avant que tout ne se dérègle et ne sombre dans la sauvagerie d’une farce macabre. Ce troisième roman de l’auteur traduit en français retrace le parcours d’un homme qui veut se tenir à l’écart du chaos mais finit par montrer son vrai visage, noir et cruel. | |||
10 Jul 2020 | Cosmétique du chaos, de Camille Espedite | 00:11:38 | |
Roman sombre inspiré de la littérature d'anticipation, Cosmétique du chaos pose la question de l'apparence normée et de l'appartenance à une société baignée par la surveillance de masse et la transparence. Le seul moyen de ne pas perdre son identité, dans le monde futur très proche du notre que décrit l'auteur, serait de dissimuler son visage. Pour décrire cette dictature du paraître qui s'enfonce dans la cruauté, la déshumanisation de notre société, l'auteur utilise un vocabulaire soutenu (adjectifs originaux, néologismes) qu'il enchevêtre et associe à la deuxième personne du singulier, qui transforme ce récit troublant en « prose du monde présent. » Cosmétique du chaos, Camille Espedite, Actes Sud, Collection Un endroit où aller, 2020. | |||
03 Jul 2020 | Le Scribe, de Célia Houdart | 00:11:11 | |
Un jeune scientifique indien ressemblant au scribe du Louvre, vient étudier à Paris. Il apprend à déchiffrer la ville et découvre l’amour. Le récit progresse en va-et-vient, entre sa découverte de la capitale française et la vie de sa famille restée à Calcutta. Célia Houdart saisit avec sensibilité et justesse, dans ce va-et-vient et les formes de l’écriture qui s’inscrivent en filigrane (du logiciel LaTeX aux graffitis de Restif de la Bretonne sur l’Ile-Saint-Louis ou la Place des Vosges à Paris), la cohabitation de la beauté et de la violence du monde (la pollution, l’inquiétude environnementale, le sexisme et les violences faites aux femmes, les violences policières, la montée des nationalismes). | |||
13 Aug 2021 | Châtelet-Lilas, de Sébastien Ortiz | 00:14:22 | |
Un conducteur de métro de la ligne 11 qui traverse du sud au nord la rive droite Parisienne, se met soudain à capter très distinctement les pensées, forcément secrètes, de ses passagers. Leurs souvenirs comme leurs fantasmes, leurs nobles sentiments comme leurs haines mesquines. « Ils ne me connaissent pas, ils ne me verront jamais, mon histoire jamais ne leur sera dévoilée quand je peux lire la leur comme dans un livre ouvert ». Il décrit, en douze haltes (comme les douze travaux d’Hercule) cette ligne qui est devenue son univers quotidien, dont il connaît en détails les moindres contours et particularités de chaque station. Une plongée dans l’imaginaire urbain et dans la multiplicité des peurs et des désirs de notre époque. Un voyage palpitant et poétique. | |||
25 Feb 2022 | L’amour la mer, de Pascal Quignard | 00:13:16 | |
L’amour la mer raconte la vie et les amours de plusieurs musiciens dans l’Europe du XVIIème Siècle, sur fond d’épidémie, de famines et de guerres de religion. Les voix des personnages se déploient librement, s’assemblent et s’éloignent. Les chapitres, courtes vignettes et brèves scènes, se tissent de manière subtile, imperceptible, se superposant dans un flux temporel, figures interchangeables d’un jeu de cartes qui fait évoluer le sens du récit à mesure que les cartes sont battues, comme s’ils se diluaient dans leurs jeux, leurs dialogues et leurs monologues, hors de toute psychologie. Un roman polyphonique sur l’amour, la création et la mort. « Que reste-t-il de l’amour quand l’amour, à l’évidence, n’est plus ? Tellement de choses qu’il est impossible de les énumérer. Tout un monde. Continue le mouvement qui l’initia. N’a pas de fin l’essentiel. » L’amour la mer, Pascal Quignard, Gallimard, 2022. | |||
17 Dec 2021 | La Cavalière, de Nathalie Quintane | 00:12:20 | |
Ce récit retrace l’histoire de Nelly Cavallero, « prof de philo », inculpée d’« incitation de mineurs à la débauche » et radiée de l’éducation nationale en 1976, au lycée de Digne-les-Bains où enseigne aujourd’hui Nathalie Quintane. Il ne s’agit pas réellement d’une enquête, mais d’une succession de conversations, de réflexions, d’interrogations et d’informations glanées au fil de lectures, de rencontres, de discussions avec des amis et des témoins. « Ce travail n’est pas la reprise d’un scandale ni même celle d’un fait divers mais une mise à jour pour aujourd’hui. » Ce récit débridé revient sur l’actualité des luttes d’un temps où la révolution était proche, il esquisse le portrait de l’école des années 1970 et questionne en creux notre société et ses dérives. À Cheval entre les deux époques. « Ce livre tâche de mettre le passé au présent, et bien plus s’il est de littérature, le présent au présent. » | |||
09 Oct 2020 | Le grand vertige, de Pierre Ducrozet | 00:08:52 | |
Après s’être attaché dans son précédent roman, L’invention des corps, à décrire les réseaux tentaculaires qui irriguent le contemporain, du corps humain au Web, Pierre Ducrozet s’intéresse dans ce roman à l’écologie et au changement climatique, à travers l’histoire de Télémaque, un réseau indépendant constitué de personnalités iconoclastes, en mission aux quatre coins du monde afin de récolter informations, échantillons, témoignages, idées novatrices. La fable écologique se transforme en roman noir mêlé d’espionnage, le tout agrémenté de machinations politiques. L’auteur parvient à nous fait réfléchir aux enjeux qui vont déterminer l’avenir de la planète et celui des générations futures, dans un roman dense, ambitieux, foisonnant d’idées, d’une écriture polyphonique qui parvient à restituer avec justesse « des temps pulsionnels d’accélération. » | |||
24 Jul 2020 | L’exercice de la disparition, de Mathieu Brosseau | 00:08:07 | |
L’Exercice de la disparition de Mathieu Brosseau se développe en deux temps. En écho et prolongement à un préambule, dont le texte écrit en blanc sur fond noir comme un gant retourné en appelle à une libération de nos mythologies, faire sans pour faire sens, les variations d’un ensemble de poèmes contrastés, de « paroles traversantes », dont on saisit le cheminement et la pertinence au fil des pages et qui nous incitent à voyager à travers « un temps formé dont on ne sait l’origine et la fin, qui appelle la clairvoyance et qui pourtant est plus mobile que la lumière. » L’exercice de la disparition, Mathieu Brosseau (Dessins de Ena Lindenbaur), Le Castor Astral, 2020. | |||
30 Aug 2024 | Une femme entre dans le champ, d’Emmanuelle Tornero | 00:16:22 | |
Une jeune femme part seule sur les routes avec son nourrisson. On suit son errance, sa vie quotidienne et domestique passée, à travers une narration éclatée en fragments répartis sur plusieurs années, organisés autour d’un jour J. Un parcours reconstitué dans le désordre d’épisodes plus ou moins longs. Le sens aigu de la composition de ce roman, accentué par la variété des formes du livre qui mêle le poétique au romanesque, permet de cerner la complexité du portrait kaléidoscopique de cette femme chamboulée par la naissance de son enfant, traversée par des émotions contradictoires qui amplifient son appréhension du monde, de la nature dont elle se sent proche, toute en la plongeant dans une profonde solitude. Une fugue en forme d’échappée belle. Une femme entre dans le champ, Emmanuelle Tornero, Éditions Zoé, 2024 | |||
05 Jul 2024 | Tout ce qui nous était à venir, de Jane Sautière | 00:14:23 | |
Jane Sautière aborde dans ce récit autobiographique les effets de l’âge, de la maladie, elle se fait la voix d’une génération qui vieillit (dans ses désirs, ses engagements sociaux et politiques et jusqu’à son langage). Elle décrit ce qui avant lui était possible et qui désormais lui échappe inexorablement. Une lente disparition qui prend la forme d’une depossession. « Nous ne savons plus comment rendre visible notre présence au monde, un déficit d’existence ». Le diagnostic de sa maladie dans les dernières pages du livre, déplace cette réflexion sur le vieillissement en précipitant l’imminence de la fin, dès lors c’est la question de sa mort qu’elle envisage comme une nouvelle expérience. « Notre passé est une constellation d’étoiles mortes dont la persistance de la lumière ne nous leurre pas ». Un texte puissant, lumineux, d’une beauté éclatante. Tout ce qui nous était à venir, Jane Sautière, Éditions Verticales, 2024 | |||
22 Nov 2024 | Constellucination, de Louise Bentkowski | 00:15:21 | |
Dans ce premier roman familial à la forme fragmentaire, Louise Bentkowski confronte des histoires personnelles et collectives à des légendes venues d’ailleurs. La voix de l’autrice s’entrelace à celles de ses ancêtres, aux livres qu’elle a lus, aux récits mythologiques. Elle nous invite à reconsidérer notre vision du monde et les liens qui nous unissent. À travers des digressions sur la famille, la filiation, la mort, et le deuil, son récit se déploie tel un patchwork infini. « Lorsque je parle, je reconnais que ce ne sont pas mes mots qui sortent, tandis que d’autres s’expriment et que c’est dans les leurs que je reconnais les miens échappés. » Cette exploration poétique intergénérationnelle sur les origines nous incite à repenser nos propres racines en abordant l’avenir avec un regard renouvelé. | |||
05 May 2023 | Nos corps lumineux, d’Aliona Gloukhova | 00:13:27 | |
Le roman d’Aliona Gloukhova raconte l’errance émotionnelle d’une femme à l’annonce de son mari qu’il ne l’aime plus. Elle se sent vivre comme « suspendue », l’esprit parfois séparé du corps, en quête d’un impossible « chez soi ». Cette perte des repères quotidiens l’amène à réfléchir sur les lieux et les liens de son existence, revisitant son passé au fil de ses changements de résidences de Minsk à Barcelone en passant par Paris et Pau. Le récit est nourri d’éléments autobiographiques, porté par une écriture poétique et une construction en fragments qui apportent chacun leur éclat particulier à l’ensemble. Roman sur la fragilité des identités, la possibilité de se réinventer, et les liens qui relient en secret les êtres et les choses en « constellation de temporalités multiples ». | |||
21 Jun 2024 | Le cinéma de Léaud, de Gérard Gavarry | 00:14:08 | |
Gérard Gavarry alterne trois points de vue sur Jean-Pierre Léaud dans les cinquante-quatre textes de son livre. Dans les uns, l’auteur analyse le jeu de l’acteur. « Léaud met en scène des signes. Ce qu’il inscrit dans l’espace filmé par la caméra est une chorégraphie de signes. Pas de jeu distancié, néanmoins. » Dans les autres, il décrit dans l’ordre chronologique une ou plusieurs séquences de l’un de ses films (Les Quatre Cents Coups, Baisers volés, La Maman et la Putain, J’ai engagé un tueur, etc.), où l’acteur révèle une part de sa personnalité et de son talent. Il partage enfin une série de souvenirs personnels, de moments vécus aux côtés de Jean-Pierre Léaud. L’ensemble forme un portrait très juste et sensible de l’acteur. | |||
01 Jul 2022 | Journal de nage, de Chantal Thomas | 00:11:11 | |
Dans le journal de son été 2021, entre Nice et Paris, Chantal Thomas poursuit l’entreprise entamée en 2017 avec Souvenirs de la marée basse, portrait de sa mère en nageuse. Nager pour elle, c’était s’émanciper, s’éloigner, s’ouvrir au monde, se lâcher, s’abandonner, offrir son corps nu au plaisir. Chantal Thomas pratique la nage et non la natation, précision importante. « Tout ce qui n’est pas immergé avec moi, à l’instant, s’irréalise. » Elle éprouve toutes le sensations du plaisir de la nage, de la détente du corps dans une eau plutôt fraîche, au mois de juin. Elle convoque les œuvres de Roland Barthes, William Finnegan, Victor Hugo, Franz Kafka, Patrick Deville, Paul Morand, ou bien encore Charles Sprawson, qui viennent ponctuer sa réflexion personnelle, au fil de ses rencontres ou de ses observations sur la plage ou dans les rochers. Le charme d’un monde dont elle saisit l’éclat le plus fugitif. Journal de nage, de Chantal Thomas, Éditions du Seuil, Fiction & Cie, 2022 | |||
07 Apr 2023 | Totalement inconnu, de Gaëlle Obiégly | 00:13:06 | |
Gaëlle Obiégly met en scène une réceptionniste écrivaine qui, guidée par une mystérieuse voix intérieure, mène une enquête existentielle, qui prend le prétexte d’une conférence cocasse et excentrique sur le soldat inconnu : « Il loge en moi, c’est comme un implant, une grosse écharde. Il m’oblige à écrire, ce n’est pas tellement agréable. Mais je n’ai que ce moyen pour connaître mes pensées ». Ce monologue singulier, composé de digressions et d’association d’idées débridées, interroge à voix haute, avec humour et vivacité, la possibilité de connaître ce qu’on n’a pas encore vécu, l’insaisissable et la mort. Totalement inconnu, Gaëlle Obiégly, Christian Bourgois, 2022 | |||
06 Nov 2020 | Histoires de la nuit, de Laurent Mauvignier | 00:10:29 | |
Une fois de plus Laurent Mauvignier prend le contre-pied de son livre précédent. Ce texte est un thriller psychologique rural qui se déroule en une seule nuit. Un huis clos, étouffant, dur, entre six personnes tiraillées par la haine. La femme, Marion, personnage central du roman, fait face à son passé et confronte deux mondes que tout oppose. C’est un livre étouffant, mais d’une grande finesse psychologique, où chaque personnage est ciselé et où chaque élément est conçu comme une brique prenant place dans un édifice dont on ne voit l’ensemble qu’à la dernière page. Histoires de la nuit, Laurent Mauvignier, Les Éditions de Minuit, 2020 | |||
11 Oct 2024 | Paris, musée du XXIe siècle - Le 18e arrondissement, de Thomas Clerc | 00:14:40 | |
Dix-sept ans après la publication de son livre Paris, musée du XXIe siècle : Le Dixième arrondissement, où il décrivait le dit arrondissement, Thomas Clerc récidive, après avoir déménagé dans le 18ème, pour arpenter de long en large cet arrondissement de Paris à travers ses 425 rues, squares, places, avenues, cités, jardins, villas, boulevards, impasses et passages, en adoptant l’ordre arbitraire mais incontestable de l’alphabet, des abords du périphérique jusqu’à Montmartre. Il s’offre à la flânerie et à une lecture vagabonde, discontinue plus que linéaire de la ville. Un portrait du quartier entre la confession, le rêve, l’étude ethnographique, politique, économique et, bien sûr, historique qui poursuit sa réflexion sur la muséification de la capitale. Paris, musée du XXIe siècle - Le 18e arrondissement, Thomas Clerc, Éditions de Minuit, 2024. | |||
29 Jul 2022 | Dans la maison rêvée, de Carmen Maria Machado | 00:11:55 | |
Dans la maison rêvée raconte les émois du début de la relation amoureuse d’un couple de femmes dans laquelle la violence s’installe insidieusement et dans la brutalité des disputes, les tensions, l’envie de faire mal à l’autre. Le roman prend la forme d’un kaléidoscope de courts chapitres placés sous le signe d’une forme ou d’un style littéraire (voyage dans le temps, confession, roman d’apprentissage, texte érotique, livre dont vous êtes le héros, etc.) fournissant chacun par leur titre un angle d’approche différent sur le sujet de la violence à l’intérieur du couple, et dans ce cas présent à l’intérieur du couple lesbien. L’auteure construit un thriller psychologique et intime, en utilisant toutes les ressources de son art de conteuse et de nouvelliste. | |||
30 Dec 2022 | Les Enfants endormis, d’Anthony Passeron | 00:15:27 | |
Désiré, l’oncle de l’auteur, héroïnomane, est mort du sida en 1987, contaminé après un partage de seringue. Anthony Passeron n’en garde qu’un souvenir lointain que réactivent quelques bobines en Super 8 retrouvées dans une boîte à chaussures. La drogue et le sida ont fait exploser la cellule familiale construite par les grands-parents de l’auteur, Louise et Émile. Une tragédie dont la famille s’est difficilement relevée. Ce premier roman est une enquête familiale qui tente de rembobiner le fil d’une vie brisée presque occultée par les secrets d’un clan soucieux de préserver leur respectabilité dans leur petite-ville de l’arrière-pays niçois. La construction narrative du livre alterne deux récits qui se font brillamment écho, chapitres familiaux au plus près de l’intime et chapitres récapitulant l’histoire de lutte contre le sida à l’échelle mondiale. Un premier roman personnel et passionnant mêlant récit familial pudique et enquête sociologique méticuleuse. Les Enfants endormis, d’Anthony Passeron, Éditions Globe, 2022 | |||
30 Jul 2021 | 961 heures à Beyrouth, de Ryoko Sekiguchi | 00:10:28 | |
Ryoko Sekiguchi se rend en 2018 à Beyrouth où elle reste presque un mois et demi pour faire le portrait de la ville à travers sa cuisine : les gestes de ceux qui la font, ceux qui l’apprécient et la partagent, les histoires racontées par les habitants. « L’acte de manger s’accomplit par étapes : humer les odeurs, regarder le plat, écouter les frémissements de la cuisson, ou le couteau qui tranche, tâter de la main ou de la fourchette, mettre un morceau à la bouche, chaque chose en son temps, chaque sensation en léger différé d’avec les autres. » Il n’y a pas de recette pour écrire un livre sur une ville comme Beyrouth, mais un ensemble de fragments qui retracent les rencontres de l’auteure, ses échanges, les références littéraires, artistiques, historiques, qui se mêlent aux souvenirs personnels, tissant des correspondances entre tous les lieux traversés, et ce rapport intime à la cuisine où tout est mis sur la table, à la façon d’un mezze. | |||
05 Nov 2021 | La fille qu’on appelle, de Tanguy Viel | 00:08:35 | |
Laura, jeune mannequin, cherche un logement, éventuellement un travail dans une ville bretonne. Sur les conseils de son père Max, ancien boxeur devenu chauffeur du maire, elle sollicite un entretien avec ce dernier, qui va bientôt devenir ministre. Comme dans son précédent roman Article 353 du code pénal, Tanguy Viel met en scène des rapports de force, d’abus de pouvoir, de domination masculine, des relations d’emprise sociale et sexuelle. Ces mécanismes pervers sont explorés avec beaucoup de finesse, tout comme la complexité de l’ambivalente notion de consentement. Si l’intrigue policière du roman prend au départ la forme d’une déposition, c’est dans ce rapport de forces que l’histoire se développe et explore la dimension psychologique, de ces tensions, de cette domination sociale. La fille qu’on appelle, de Tanguy Viel, Éditions de Minuit, 2021 | |||
24 Feb 2023 | Le capital, c’est ta vie, d’Hugues Jallon | 00:12:28 | |
Hugues Jallon raconte l’effondrement psychique d’un personnage pris entre des crises de panique et des accès de dépression, ravagé par l’emprise destructrice des logiques de marché, du libre-échange, du capital. C’est dans sa forme poétique et diffractée que ce roman parvient à saisir et dénoncer cette crise générale que nous traversons, en l’abordant d’un point de vue intime, s’opposant à l’uniformisation de la prose du monde, à la standardisation à laquelle l’économie nous condamne. En déstructurant son récit en différents fragments qui se font écho, Hugues Jallon parvient à le faire imploser de l’intérieur, par la variété de ses formes, qui oscillent entre récit et vers libres, évocation historique et considérations économiques, jusqu’à l’explosion de la scène finale qui offre une perceptive radicale. Le Capital, c’est ta vie est un livre puissant qui propose un récit alternatif à la grande fiction que le néolibéralisme nous impose. | |||
10 Feb 2023 | Double V, de Laura Ulonati | 00:15:21 | |
Deux sœurs. Deux personnalités. Deux destins bien différents. Laura Ulonati explore dans ce récit subjectif les multiples facettes de la relation entre sœurs et plus précisément, celle qui unissait Vanessa et Virginia Stephen, plus connues sous les noms de Vanessa Bell et Virginia Woolf. Ce roman est centrée sur Vanessa, la peintre, la sœur ainée, sur sa difficulté à se faire une place et à la conserver auprès de Virginia Woolf qui va connaitre un succès grandissant. Vanessa connait en effet une carrière prolifique en tant que peintre et des débuts prometteurs mais tombe peu à peu dans l’oubli et surtout, dans l’ombre de sa cadette. Laura Ulonati met en perspective sa propre histoire et son lien particulier avec sa sœur pour faire résonner de manière sensible et troublante l’histoire de Vanessa et Virginia. Un récit polyphonique sous la forme d’un portrait en diptyque de ces femmes, de ces sœurs aux liens ambigus, qui se confondent puis se distinguent. | |||
26 Aug 2022 | Musée Marilyn, d’Anne Savelli | 00:15:39 | |
Il y a 60 ans disparaissait Marilyn Monroe, actrice, mannequin et chanteuse américaine, au sommet de sa gloire. De très nombreux livres ont été écrits sur la star hollywoodienne, essais et romans, mais aucun ne s’est réellement intéressé à la création de son image par la photographie. Anne Savelli nous invite à découvrir les multiples facettes de Marilyn Monroe que nous croyons tous connaître, en nous faisant visiter les salles d’une exposition imaginaire où chaque séance photo présente le travail de l’actrice et de la chanteuse, ainsi que sa relation déterminante aux photographes qui l’ont prises en photo, complices ou duplices, parmi lesquels André de Dienes, Eve Arnold, Milton H. Greene, Cecil Beaton, ou Richard Avedon. Pendant toute sa carrière, Marilyn Monroe n’oubliera jamais l’importance de l’image pour marquer les esprits et rester longtemps dans les mémoires du public. Ce livre passionnant nous montre un visage méconnu d’une Marilyn au-delà des clichés, saisi dans cette surexposition qui, tout en la rendant célèbre, inoubliable, aura été également à l’origine de sa chute. « S’exposer, on le sait, possède deux acceptions : c’est se montrer aux autres, mais aussi se mettre en danger ». | |||
12 Mar 2021 | Toni tout court, de Shane Haddad | 00:14:23 | |
Toni, une jeune fille au prénom androgyne, passe sa journée d’anniversaire dans l’attente du soir où elle doit assister au match de l’équipe de foot qu’elle supporte. Pour décrire cette journée, Shane Haddad alterne l’emploi de la première et de la troisième personne, en y mêlant les voix de ceux que Toni croise sur son chemin ou qui émergent de ses souvenirs. Cette narration polyphonique renforce l’indécision du personnage coincé entre deux âges, entre rêve et conscience. Un roman d’apprentissage haletant, révélant dans un flux de pensées et de sensations le portrait sous tension d’une jeune femme insoumise, insaisissable, qui cherche à sortir de l’adolescence, à trouver enfin sa place et son identité. | |||
13 Jan 2022 | Partout le feu, d'Hélène Laurain | 00:10:10 | |
Laetitia vit en Lorraine, cimetière à déchets nucléaires en devenir. « Une région / triste comme une salle de cinéma vide / en pleine projection. » Avec sa bande d’amis, Taupe, Fauteur, Thelma, Dédé, elle cherche à dénoncer la catastrophe écologique en cours. Elle se demande comment remplacer la délétère fiction capitaliste qui l’accompagne depuis sa naissance. Elle s’accroche à l’action collective afin de mettre de l’ordre dans le chaos du réel, dans le monde qui s’effrite autour d’elle : « ce qui nous rassemble / c’est quelque chose de plus / de plus incandescent / on peut seulement faire semblant / un temps / jusqu’à ce que le désir de feu / nous rattrape. » Dans ce premier roman radical, sans ponctuation, glissant d’une ligne à l’autre, entre flux de pensée, voix qui dialoguent, SMS et Post-it, retours en arrière et grandes envolées, Hélène Laurain propose un contre-récit à l’idéologie dominante dans un monde en transition. | |||
23 Oct 2020 | Histoire du fils, de Marie-Hélène Lafon | 00:08:21 | |
Histoire du fils est la chronique d’une famille dans le Cantal à travers quelques dates clés du siècle (de 1908 à 2008) qui servent de fil conducteur à une filiation, récit d’une généalogie bouleversée. Rencontre, deuil, accident, mariage, naissance, à chaque fois la famille se retrouve. Les liens se renouent, poids des secrets et des silences. Une narration sans dialogues, à la chronologie versatile, faite d’aller-retour dans le temps, sur l’absence, la filiation, les secrets de famille, le poids du passé qui ressurgit et qui trouble les cœurs si on ne réussit pas à mettre des mots sur des non-dits. | |||
09 Feb 2024 | L’appel des odeurs, de Ryōko Sekiguchi | 00:13:04 | |
La narratrice a une forme d’addiction pour les odeurs, elle les consigne depuis sa jeunesse dans un carnet, recopiant des extraits d’ouvrages ou des phrases entendues sur ce sujet, notant ses sensations sur les effluves, les émanations et les parfums tout autour d’elle, dans les jardins comme que dans les musées, dans les cuisines et les bibliothèques. Ses notes se transforment peu à peu en récits, au point où de se demander si elle n’invente pas toutes ces histoires. « Lorsqu’on dit sentir une présence, que sent-on en réalité ? » Les odeurs sont les personnages centraux du livre, dotées d’une présence, d’un langage. Elles se développent à travers différents lieux et des époques variées. « Il y a aussi les odeurs du passé, celui que l’on n’a pas connu. Celles d’un temps occupé par d’autres. » | |||
06 Oct 2023 | Histoire de ma peau, de Sergio del Molino | 00:15:41 | |
Atteint de psoriasis chronique, Sergio del Molino s’adresse, à travers ce récit personnel et historique à la frontière de l’essai, à son fils qui lui soutient que « Les sorcières, ça n’eziste pas ! » Les monstres existent, il a l’impression d’en être un, lui avoue-t-il. L’auteur raconte ensuite la vie de diverses personnalités illustres (Joseph Staline, John Updike, Vladimir Nabokov, Cindy Lauper, Pablo Escobar, entre autre) en décrivant la manière avec laquelle les répercussions physiques de cette maladie influence la vision du monde, aussi bien dans l’exercice du pouvoir que dans l’acte créatif. Ce livre aborde la figure du monstre, la question du racisme également. Une réflexion profonde et sensible sur la peau. | |||
09 Sep 2022 | Les sables, de Basile Galais | 00:12:06 | |
Dans une ville portuaire à l’atmosphère d’intranquillité, déstabilisante et déroutante, le paysage donne le vertige autant qu’il inquiète avec son climat mystérieux tout en clair-obscur.L’information sur les réseaux de la mort du Guide désole la foule éplorée des habitants, très vite démentie, transformée en fake news qui tourne en boucle sur les chaînes d’informations en continu. Chaque personnage livre à distance sa version imparfaite des faits, parcellaire. Leurs relations se tissent au fil des chapitres « dans des couches de réalités indistinctes. » Sans doute est-ce dans cette instabilité constante que se construit cette histoire de disparition et d’oubli, ce roman sur le temps et la mémoire, insaisissable et mouvant comme les sables. Ce premier roman singulier de Basile Galais, à l’écriture allusive et ciselée, basé sur la versatilité de la vérité et l’impermanence du réel, dans un monde instable où la vérité a disparu, est une expérience d’immersion dans un univers elliptique qui sans cesse nous échappe. Jusqu’au vertige. | |||
07 May 2021 | À la folie, de Joy Sorman | 00:09:24 | |
Joy Sorman s’est rendue une fois par semaine, pendant un an, en observatrice, dans une unité psychiatrique. Ce récit documentaire en immersion, entre enquête et roman, restitue dans une approche directe différents témoignages de cadres de santé, infirmiers, intermédiaires,médecins, et de patients rencontrés lors de ses visites : schizophrènes, paranoïaques, bipolaires. L’autrice évite le voyeurisme d’une galerie de portraits au-dessus d’un nid de coucou en mettant tout son talent romanesque pour relater l’enfermement et la surveillance des malades. Elle s’efface discrètement derrière la parole de ceux qu’elle côtoie pour nous faire découvrir la personnalité des soignés et des soignants ainsi que les protocoles mis en œuvre par ces derniers, en interrogeant la définition artificielle de normalité. Un témoignage sur la psychiatrie d’aujourd’hui en même temps qu’une réflexion sur la folie. | |||
28 Feb 2025 | Dis-moi qui tu hantes, d’Alban Lefranc | 00:14:51 | |
Le roman d’Alban Lefranc dont le titre souligne que notre nature se révèle à travers les relations que nous choisissons, explore la figure de Julien Mana, écrivain assassiné en 2022, à travers les témoignages de sept personnes qui l’ont côtoyé. Chaque voix révèle une facette différente du personnage : les ambitions littéraires, les relations tumultueuses, le charisme autant que les failles de cet être contrasté, autodidacte brillant, instable, en proie à des pulsions incontrôlées. Son premier livre,La Vision dans l’île, une histoire d’obsession et d’errance, semble refléter sa propre quête existentielle. Le roman se construit comme un puzzle, où chaque témoignage éclaire différemment l’identité insaisissable de cet auteur fictif, entre talent brut, contradictions et autodestruction. | |||
06 May 2022 | Mouron des champs, de Marie-Hélène Voyer | 00:11:06 | |
Mouron des champs, suivi de Ce peu qui nous fonde, de Marie-Hélène Voyer, rend hommage à sa mère disparue, ainsi qu’à toutes les femmes « nées pour être effacées femmes fades et navrantes secouées d’étranges tristesses ». Elle dresse le portrait de « femmes embaumées d’ombres », des « petites reines de rien couronnées d’épinettes », des « mères braves et vives dans leurs odeurs d’épuisement » et de « gouailleuses pleines d’entrain ». « L’histoire d’une voix déprise de l’écheveau rumineux des lignées lourdes l’histoire d’une voix cénotaphe qui cherche à retrouver ses mortes quelque part entre ses mains là où l’écriture fait tache ». Un texte poétique, intense et émouvant, entre récitation de blessures et collection de consolations, sur la filiation, l’amour et le deuil, où les voix d’antan et celles d’aujourd’hui concordent dans le jeu des temps. | |||
10 May 2024 | Border la bête, de Lune Vuillemin | 00:14:43 | |
Une femme traverse les grands espaces de l’Ontario après la mort d’un proche. Elle rencontre Arden et Jeff, une femme et un homme « imprévisibles et magnifiques » qui s’occupent de soigner les bêtes meurtries qu’ils recueillent dans leur refuge pour animaux sauvages. Un combat qu’elle va partager en trouvant refuge chez eux « pour se défaire de ses fantômes, de ses fêlures, de ses colères. » Au plus près de la faune et de la flore, ils vont se rapprocher, se reconnaître, et s’aimer. Un récit sensible et sensoriel sur la place des humains et leur rapport au vivant. « Quelque chose qui n’est ni un poème, ni une lettre, ni un chant, ni une prière, ni un cri, mais peut-être tout cela à la fois. » Une langue nouvelle. Border la bête, Lune Vuillemin, Éditions La Contre Allée, 2024 | |||
24 Sep 2021 | Plasmas, de Céline Minard | 00:15:56 | |
Le livre de Céline Minard décrit une Terre devenue inhabitable, où la nature telle que nous la connaissons a cessé d’exister, désormais recréée de toute pièce, dans des bulles, un univers dans lequel vivent de nombreuses créatures à l’intelligence supérieure à celle des humains, où des bots enregistrent les données humaines. Les dix chapitres du livre fonctionnent de manière autonome qui s’enrichissent les uns les autres, points de vue variés sur un univers post-apocalyptique dont nous découvrons peu à peu les lois. Avec son écriture d’une précision remarquable, fine et ciselée, l’auteure brise la linéarité de son récit pour nous entrainer dans un tourbillon de sensations d’univers différents, oniriques, comme autant de perspectives imaginaires et poétiques sur l’avenir possible de l’humanité, une manière d’envisager nos futurs incertains. | |||
02 Aug 2024 | À nos vies imparfaites, de Véronique Ovaldé | 00:11:47 | |
Les huit courtes nouvelles de Véronique Ovaldé, sont reliées par un discret fil rouge, sans se répondre tout à fait, elles se concentrent sur un personnage central qui devient secondaire dans le récit suivant. Cette galerie de portraits confronte des personnalités très différentes : un solitaire taciturne, une agente immobilière et mère célibataire, une veuve agressée chez elle, un misanthrope morose, un taxidermiste d’origine mexicaine, une mère dépressive, une adolescente traumatisée par une amitié brisée. L’enchâssement de ces histoires donne à ce livre un ton plaisant de légèreté et de fantaisie. L’autrice y porte un regard lucide et sensible sur la condition humaine dans le monde d’aujourd’hui. | |||
24 Mar 2022 | Vide sanitaire, de François Durif | 00:12:49 | |
À sa sortie des Beaux-Arts, François Durif devient croque-mort pendant trois ans pour gagner sa vie, avant de retrouver finalement une pratique artistique. L’auteur décrit son quotidien aux pompes funèbres, chronique ses « passages à vide », revenant sur son enfance, sa découverte des lieux de drague homosexuelle à Paris, et son parcours artistique. Ce récit suit la narration itinérante d’une de ses performances promenées au cimetière du Père-Lachaise. Entre souvenirs marquants, histoire des cimetières, réflexion sur la mort, références à des auteurs qu’il apprécie comme Michel Foucault : « L’hétérotopie par excellence, écrit le philosophe, c’est le cimetière, car il fait partie de ces lieux qui marquent autant de seuils dans l’espace que de césures dans le temps. » Un récit introspectif, singulier et sensible sur ces espaces aux multiples temporalités qui offrent la possibilité de « tisser des récits qui rendent compte de ces discontinuités. » | |||
21 Apr 2023 | La chambre à brouillard, d'Éric Chevillard | 00:12:52 | |
La chambre à brouillard est un dispositif utilisé en physique pour visualiser les trajectoires des particules élémentaires. Elle fait apparaître des phénomènes dont l’existence ne saurait être prouvée autrement. Le roman d’Éric Chevillard mélange à loisir les fils d’un récit qui met en scène un personnage, universitaire ou écrivaillon, en quête de son sujet. « Un livre commence, je dois en connaître la fin, même un méchant petit roman. Je suis happé par tous les suspenses, et tout en ce monde est suspendu. » On retrouve dans ce récit d’Éric Chevillard la forme prosodique disparate de ses courts textes, qui fait le charme de son journal poétique de bord, l’autofictif. Un texte jubilatoire et nébuleux, qui oscille du roman noir au burlesque. La chambre à brouillard, Éric Chevillard, Les éditions de Minuit, 2023 | |||
29 Dec 2023 | Hêtre pourpre, de Kim de l’Horizon | 00:14:40 | |
Hêtre pourpre est un roman d’apprentissage qui mélange de manière tourbillonnante des formes et des récits divers, sur la vie sexuelle d’une jeune personne non binaire, une quête identitaire (de genre et de classe), ses souvenirs d’enfance, tout entremêlant l’histoire botanique du hêtre pourpre à celle des sorcières et de leurs combats. Roman qui joue avec les mots, les néologismes, l’inventivité de nappes successives de langues, de l’allemand au suisse-allemand, et leurs dialectes, en passant par l’anglais, en les imbriquant les unes aux autres pour se les approprier et nous les rendre audibles. Ce roman est une quête familiale en forme d’arbre généalogique sur les figures féminines qui constituent sa lignée maternelle, l’héritage d’un passé hétéronormé dont l’auteurǝ parvient à se libérer. Hêtre pourpre, Kim de l’Horizon, traduit de l’allemand (Suisse) par Rose Labourie, Julliard, 2023 | |||
05 Jun 2020 | Comme la chienne, de Louise Chennevière | 00:11:48 | |
Dans ce récit fragmenté, éclaté, polyphonique, des femmes prennent la parole, dans un nous explosé. On entend leurs voix trop longtemps détournées ou retenues, qui s’entremêlent, pour faire entrer par effraction dans la parole ce qui en a été toujours exclu, dire l’immense violence et les infimes douleurs. Et comment cet intime, le corps, le désir, la honte, appartient toujours déjà au monde, par les fantasmes, les discours et toutes les violences qui l’ont façonné et qui le hantent. | |||
12 Jan 2024 | Les fleurs sauvages, de Célia Houdart | 00:12:45 | |
Ce livre croise les destins de plusieurs personnages d’une même famille. Au centre Milva, une adolescente dessine tout ce qui l’entoure. « Dans une ville tracée au cordeau, où toutes les rues se coupent à angle droit, c’est la seule à tracer des arabesques. » Son demi-frère Théo trempe dans des affaires plus ou moins louches. Depuis sa séparation avec Irène, la mère de Milva, Jacques vit seul avec sa fille. Il fréquente Louise, la mère de Sam, le meilleur ami de Milva. L’intrigue progresse d’un personnage à l’autre, comme autant d’esquisses du paysage, de part et d’autre des Alpes, entre Suisse et Provence, tissant entre eux un troublant réseau de correspondances faisant apparaître deux desseins qui s’opposent, entre violence et fragilité, que seul le regard qui révèle la complexité du monde parvient à réconcilier. | |||
14 Feb 2025 | Nos insomnies, de Clothilde Salelles | 00:15:36 | |
Dans son premier roman, Clothilde Salelles nous plonge dans le quotidien d’une famille des années 90, en banlieue parisienne. À travers les yeux d’une enfant, on découvre un univers où le silence est pesant, les nuits troublées, et le père, reclus dans son bureau ou absent, une figure aussi fascinante qu’insaisissable. Les mots eux-mêmes deviennent des énigmes, entre ce qui est dit et ce qui reste tabou. Avec une écriture mêlant poésie et suggestion, l’autrice explore, avec une acuité presque fantastique, la mémoire, les non-dits, et l’impact du langage sur nos vies. Le récit s’articule autour d’un drame central, évoqué mais jamais nommé. Un roman sensible et troublant sur les liens familiaux et la manière dont on se construit face à l’absence et aux silences. Nos insomnies, Clothilde Salelles, Collection L’arbalète, Gallimard, 2025 | |||
18 Jun 2021 | Requiem pour la jeune amie, de Gilles Leroy | 00:09:11 | |
Plus de trente ans après la disparition violente d’une amie, le souvenir profondément enfoui de la jeune femme ressurgit. Par bribes, le narrateur reconstitue leur histoire, leur coup de foudre amical. Ce roman dessine le portrait sensible de cette jeune femme libre et met en scène leur amitié remarquable. Il est en vacances dans le Sud de la France, quand il apprend que son amie a été violée et tuée dans le parking de son immeuble, à Vincennes. Dans Requiem pour la jeune amie, l’amour et la mort sont indissociablement liés même si l’auteur préfère se souvenir des instants vibrants de vie partagés. Les souvenirs affluent, les longues phrases dansent sur la page, avec leur musique lancinante et triste, poignant témoignage d’amitié parcouru d’éclats de vie, de rire, de mélodies rythmées et de nuits endiablées. Un récit vibrant, nostalgique mais radieux, qui raconte l’histoire d’une amitié perdue. Requiem pour la jeune amie, Gilles Leroy, Mercure de France, 2021. | |||
07 Jun 2024 | Ceux qui appartiennent au jour, d’Emma Doude Van Troostwijk | 00:13:04 | |
Une jeune femme d'origine néerlandaise revient voir sa famille de pasteur installée dans le presbytère d’un village en Alsace. Un grand-père atteint de pertes de mémoire. Un père en proie à un burn-out et un frère qui s'interroge sur son futur en tant que pasteur. La vulnérabilité masculine vue à travers le regard d'une jeune femme. Un premier roman sur l’héritage et la transmission, sur le présent de ce monde qui « brûle jusqu’au bout ». Un récit construit comme une espèce de jeu de patience, dont les fragments parsemés de mots néerlandais et français, compose avec pudeur une suite de tableaux d'observations décrivant les gestes du quotidien d'une famille se racontant des histoires pour ne pas oublier. Ceux qui appartiennent au jour, Emma Doude Van Troostwijk, Les Éditions de Minuit, 2024 | |||
01 Jan 2021 | Les paysages avalent presque tout, de Maxime Actis | 00:08:56 | |
Ce livre se compose de fragments accumulés au fil d’une errance à travers les paysages européens, morcelé en autant de moments que de lieux parcourus. Le voyage est banal, la description des paysages se concentre plutôt sur les détails insignifiants, sans relief, menus faits et gestes du quotidien réduits à presque rien, lambeaux de propos rapportés et réflexions désabusées, que sur un pittoresque récit de voyage. Les souvenirs surgissent en marge, dans leur effacement même. L’une des figures croisées brièvement, comme elles le sont toutes dans ce livre, est d’ailleurs affectée de pertes de mémoire. La vie nomade s’éprouve et se perd dans ses trous de mémoire. Le poème se confronte à la trivialité du réel pour nous permettre de voir le monde qui nous entoure et sa disparition dans le même mouvement. Les paysages avalent presque tout, Maxime Actis, Éditions Poésie/Flammarion, 2020 | |||
11 Feb 2022 | La nuit de Rachel Cooper, de Christine Jeanney | 00:13:51 | |
Le livre de Christine Jeanney est un livre d’art et d’essai. Une lecture de La nuit du chasseur, l’unique film du comédien Charles Laughton, et en même temps le rêve de ce film. L’autrice raconte à plusieurs reprises l’histoire du film, bien consciente que « cette Nuit ne peut pas être résumée. » Elle s’appuie également sur un texte de Marguerite Duras pour en prendre le contre-pied, en faisant remarquer qu’elle « croit raconter une histoire, mais cette histoire n’existe pas. Elle la reprend, comme on reprend un tissu, comme on reprend une composition, et elle fabrique une histoire autre, capable de s’adresser à elle. Une histoire qui la regarde. » Elle convoque également d’autres artistes, parmi lesquels Louise Bourgeois, Ingmar Bergman, François Truffaut. « Lorsqu’on aura fini d’entendre cette histoire (fini de la lire, de la regarder, de l’écouter, de la penser), on se sentira un peu incrédules, parce qu’on ne saura pas réellement ce qui s’est passé, comme au quotidien, certains jours. » La nuit de Rachel Cooper, Christine Jeanney, Publie.net, 2022 | |||
17 Jun 2022 | BINGO, de Marc Cholodenko | 00:12:29 | |
Le bingo est un jeu de probabilité dans lequel les joueurs marquent des numéros sur des cartes, les numéros sont ensuite tirés au hasard par un appelant, le gagnant est la première personne à marquer tous ses numéros. Chaque phrase est précédée d’un nombre comme dans la grille de jeu qui donne son titre au livre. Chaque phrase efface la précédente qui efface la suivante. Ce n’est pas l’ordre mais le sens de la lecture qui est questionnée ici avec ironie. L’ensemble des fragments se répète en retrouvant leur ordre initial, dans le mouvement de leur écriture, mouvement nous échappant toujours tout en nous faisant signe. L’enjeu n’est pas de s’attarder à saisir toutes les pensées qui sont développées, il faut se laisser porter par des mots dont on ne sait pas, s’ils sont là en tant que signifiants ou s’ils se dressent d’eux-mêmes, graphiquement : « Salies, non les idées ne peuvent pas être, mais échevelées et défaites par l’amour qui les a portées jusqu’à cet état qui empêche de les remettre dans le commerce d’où elles furent tirées ». | |||
13 Sep 2024 | Espèces dangereuses, de Sergueï Shikalov | 00:13:14 | |
Ce roman raconte la vie des homosexuels dans la Russie des années 90, le pays natal de l’auteur. Il débute dans un tourbillon de souvenirs épars de vies passées et de sensations mêlées, une mosaïque chaotique qui reflète parfaitement le tumulte intérieur de l’auteur exposé à une liberté trop vite éprouvée. Sergueï Shikalov, homosexuel dans un pays où l’homosexualité n’est pas acceptée, revient sur son histoire personelle, en restituant les espoirs et les désillusions d’une jeunesse broyée par les contradictions d’une Russie oscillant entre tolérance fugace et répression brutale. L’auteur retrace avec une lucidité douloureuse une décennie de dépénalisation, de liberté et d’espoir avant le durcissement du pouvoir de Poutine et le retour de l’homophobie en Russie. Espèces dangereuses, Sergueï Shikalov, Éditions du Seuil, 2024 | |||
21 Oct 2022 | Un singe à ma fenêtre, d’Olivia Rosenthal | 00:11:45 | |
En 1995, dans le métro de Tokyo, les adeptes de la secte Aum perpétuent des attentats au gaz Sarin. Plus de 25 ans après les faits, Olivia Rosenthal interroge de nombreux témoins, victimes des attentats ou proches de ces victimes, personnes qui se les rappellent ou peuvent les évoquer. Quelles traces a laissé cet événement dans la mémoire collective ? Le récit décrit en creux une société japonaise travaillée par ses névroses dans laquelle il est très difficile d’oser dire les choses, d’affronter le réel. À la fin de chaque chapitre, une série de questions très banales, sont soulevées à la deuxième personne du singulier. Des questions qui prolongent les réflexions que soulève le récit, la douleur de l’absence et de la disparition que cette expérience révèle à l’auteure, et qui permettent au lecteur de s’en emparer à son tour. | |||
18 Nov 2022 | Corps flottants, de Jane Sautière | 00:14:00 | |
Les corps flottants sont des fragments du corps vitré, taches qui se déplacent avec les mouvements de l’œil. Dans ce récit, ils prennent différentes formes, tour à tour tâches, cigarettes, cicatrices ou fantômes. « Toute cette vie passée dans la fumée du rêve. Ne se souvenir de rien, si invraisemblablement peu. » Jane Sautière évoque son adolescence à Phnom Penh au Cambodge entre 1967 et 1970. Elle décrit les bruits de la nuit, la touffeur tropicale de la forêt. Les gens qu’elle y côtoie. Camarades de classe, premières amours. L’éveil du désir dans ce pays qui va sombrer. Les massacres perpétrés par les Khmers rouges. Un livre sur la mémoire, ce qui a été vécu, en partie oublié, l’expérience de sa propre disparition, qui avance par bribes, en acceptant les aspects aléatoires et fragmentaires de la mémoire. La survivance « de ce qui aussi a été là, sans retour possible, mais présent et fragile, nous laissant incertains. » | |||
17 Jul 2020 | Les enténébrés, de Sarah Chiche | 00:14:17 | |
Alors que sa vie conjugale est bouleversée par l’arrivée d’un amant, une psychanalyste laisse resurgir son histoire familiale. Sarah Chiche explore les failles de l’intime, de la famille, de nos héritages, et de nos blessures enfantines. Une réflexion sombre et lucide sur l’amour qui ne nie surtout pas le tragique de l’existence. Une plongée vertigineuse dans toutes ces folies individuelles sur lesquelles l’immense folie de l’humanité vient heurter, les guerres, la barbarie, la colonisation, les migrations, les unes entrant en résonance avec les autres. Un roman dense et troublant qui se lit comme l’assemblage d’un puzzle. | |||
11 Aug 2023 | Chef d’œuvre, de Juan Tallón | 00:14:03 | |
Chef-d’œuvre décrit la disparition au Musée Reina Sofía de Madrid d’Equal Parallel/Guernica-Benghazi, une œuvre de 38 tonnes de l’artiste américain Richard Serra. Le livre comporte des personnages réels et d’autres inventés, du gardien de salle du musée à la ministre de la culture espagnole, du chauffeur de taxi de Richard Serra à Jean Nouvel ou Franck Gehry. L’auteur les fait tous parler à la première personne dans un désordre chronologique, une succession de soixante-dix monologues durant laquelle le lecteur est confronté à la variété de points de vue dont chaque facette infléchit le cours du récit sur cette étrange affaire qui a secoué l’Espagne en 2006. Un roman choral qui mélange avec brio reportage et fiction. | |||
15 Dec 2023 | La dernière place, de Négar Djavadi | 00:14:58 | |
Le vol PS752 reliant Téhéran à Kiev s’écrase quelques minutes après son décollage, le 8 janvier 2020. La dernière place, c’est celle qu’a prise, en dernière minute, repoussant son départ initial, la cousine de l’autrice. Négar Djavadi propose une plongée lucide et saisissante dans la dictature iranienne, retraçant méticuleusement les événements à l’origine de ce drame : les tensions entre l’Iran et les États-Unis, les risques de représailles et d’escalade, puis les mensonges du gouvernement pour tenter de dissimuler la responsabilité iranienne d’un tir de missile. « C’est aussi là que naît l’écriture. Dans le désir de déceler la faille tapie sous l’opacité des mensonges. Essayer d’attraper le fil qui mène à cet instant qui dérange, où la décision est prise, où le crime s’est noué. » La dernière place, Négar Djavadi, Stock, Collection Des nouvelles du réel, 2023 | |||
17 Nov 2023 | Respire, de Marielle Macé | 00:15:18 | |
Dans ce vade-mecum aussi lucide et pertinent que pouvaient l’être Sidérer, considérer et Nos cabanes parus chez Verdier en 2017 et 2019, l’autrice analyse notre respiration et tout ce qui l’entrave. Pour respirer mieux, il faut conspirer (respirer ensemble) et retrouver le sens de la solidarité. Renouer avec le souffle de l’autre pour enfin pouvoir prendre une grande bouffée d’air frais. « L’essoufflement qui découle de nos "si violentes fatigues", la tête dans le guidon, et de ce que cela coûte de s’ajuster à un monde en surchauffe. Un monde où les crises se succèdent, roulent en avalanche sans laisser le temps de reprendre haleine et d’ouvrir franchement la fenêtre aux poumons. » Un livre incontournable et salutaire qui parle de nos asphyxies et de nos grands besoins d’air. | |||
17 Jan 2025 | Une femme sur le fil, d’Olivia Rosenthal | 00:16:05 | |
Dans ce texte, Olivia Rosenthal explore la création littéraire à travers le récit d’une enfant, Zoé, fuyant un oncle abusif. L’auteure établit un parallèle entre le cheminement de la jeune fille et celui du funambule, illustrant la précarité et les détours de l’écriture, la fragilité et la détermination nécessaires pour progresser face à l’adversité. Chaque mot la rapproche de son objectif tout en la menaçant de basculer dans le vide. Elle questionne la nature même du récit, la mémoire, la violence, la métamorphose, empruntant différents chemins narratifs, entre fiction, essai et introspection, sur l’impact des expériences vécues et des récits qui les transmettent. Un texte hybride, écrit sur le fil, afin de briser le silence autour de ces violences et de permettre aux victimes de s’en libérer. | |||
12 Jun 2020 | La Maison indigène, de Claro | 00:09:34 | |
En 1930, l’architecte Léon Claro, grand-père de l’auteur, fait bâtir, au pied de la Casbah d’Alger, une maison indigène qui multiplie les emprunts à diverses esthétiques orientalistes pour parvenir à un simulacre d’authenticité. Albert Camus en tire l’un de ses premiers textes littéraires, La Maison mauresque. Dans ce récit composite, foisonnant d’associations, de rebonds et de détours, Claro se lance dans une enquête poétique où s’enchevêtrent coïncidences historiques, artistiques et familiales. Dans « les plis du temps » et le désordre des pièces de cette maison, la révélation « que notre cerveau et notre mémoire en savent plus long que nous. » | |||
20 May 2022 | Autoportrait aux fantômes, de Didier Blonde | 00:14:39 | |
Didier Blonde convoque la littérature, la photographie et le cinéma pour évoquer les lieux détruits, les anonymes oubliés des cimetières, les personnages de roman, les actrices, les metteurs en scène de cinéma. Il se remémore également la figure de son grand-père revenu de la guerre et de son père dont la présence l’accompagne dans l’écriture. Un autoportrait en forme de variations autour d’une série de fragments, une suite de figures oubliées et d’images du passé qui se réincarnent au fil des textes. Un récit peuplé d’ombres, de lieux spectraux, d’adresses imaginaires, un monde qui n’est ni le monde réel ni l’imaginaire, mais l’entre-deux, cette présence indécise, ce « royaume intermédiaire » que l’auteur nous restitue avec la distance des rêveries à la fois légères et profondes. | |||
15 Jan 2021 | Meta donna, de Suzanne Doppelt | 00:09:06 | |
Ce texte poétique s’est construit à partir d’un court-métrage de Gianfranco Mingozzi, La Taranta, tourné en 1961 dans le Salento, se référant lui-même aux travaux de l’ethnologue Ernesto De Martino, consacré à l’étude d’une danse très ancienne du sud de l’Italie, la tarentelle. Il a pour motif la tarentule et les rituels qui se déroulent, à la suite de sa morsure. Suzanne Doppelt rend hommage, dans cette enquête chantée et dansée, à la figure de l’araignée et à la dimension esthétique manifeste de cet espèce de théâtre de la cruauté et du malheur, cérémonie cathartique, rituel ancestral, dans lequel on joue l’empoisonnement. | |||
08 Apr 2022 | Les corps caverneux, de Laure Gauthier | 00:10:11 | |
Le récit poétique de Laure Gauthier se construit en sept séquences dont l’allusion à l’excitation sexuelle du titre Les corps caverneux semble « tracer des signes secrets » derrière ces anatomies désirantes. Ces poèmes narratifs explorent en autant de variations, ces cavernes multiples. « Une musique garde en mémoire un chant dans la grotte qui refait surface. » À la fois cavernes où bruissent les désirs, « l’idée de nos grottes résonne de chair », les joies organiques de l’adolescence, l’heure de la mort, comme à l’orée d’un bois, lors d’une promenade en forêt, en vrac de soi, ces espaces vides, et les failles que notre société de consommation tente de combler par tous les moyens, dans les grandes surfaces, les galeries marchandes, et les échos qu’elles provoquent avec les cavernes préhistoriques. « Une grotte qui se reconstruirait au jaillissement des mots, dont l’empreinte se marque, vivante, une écume de mots enterrés vifs qu’on déterre et entre une brise. » | |||
23 Feb 2024 | Sous la menace, de Vincent Almendros | 00:11:38 | |
Quentin, un adolescent obsédé par la mort de son père, disparu six ans plus tôt dans un mystérieux accident, accompagne sa mère et sa cousine de 11 ans, Chloé, chez ses grands-parents où il passe un week-end tendu et pesant. Exclu de son collège pour violence, mal dans sa peau, voyant son corps se transformer à cause de la puberté, le jeune garçon a l’impression de « devenir un monstre. » Dans cette réunion de famille qui paraît anodine, entre une mère tout le temps sur son dos, un grand-père amnésique, une grand-mère enfermée dans ses souvenirs et la petite Chloé que l’adolescent malmène, les tensions et les non-dits se révèlent peu à peu. La violence sourde et inquiétante de ce huis clos nous maintient sous la menace des secrets et des failles de cette famille. Sous la menace, Vincent Almendros, Les Éditions de Minuit, 2024 | |||
02 Jul 2021 | Noire substance, de Séverine Daucourt | 00:10:48 | |
Le livre aborde, avec une grande force d’écriture, de manière objective et sans complaisance, la maladie de Parkinson et la dégénérescence qu’elle produit, plus exactement sur le regard que porte une jeune femme sur le déclin de son père atteint de cette maladie, son rapport au corps, à la douleur, au temps qui passe. « Dans cette maladie, le visage ne lutte plus, ni contre l’apesanteur ni contre la laideur : bajoues fatiguées, cernes bistres, rougeurs dues aux traitements. Les yeux sont comme toujours, voilés, les cils englués. Le regard ne voit plus, il traverse les choses, se noie à leur côté. Le vieux est absorbé, loin, extrait de tout, y compris de sa pensée. Rien ne le concerne. » Ce récit très court se présente sous la forme d’un compte-à-rebours. Un beau texte sur la vie, ses épreuves, la solitude face à la maladie et à la perte. | |||
20 Dec 2024 | La gaieté me sidère, de Clarisse Michaux | 00:14:21 | |
Ce recueil poétique retrace l’expérience d’une spectatrice regardant le film de Chantal Akerman, Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, qui raconte le quotidien d’une jeune veuve, mère d’un adolescent, une ménagère enfermée dans la routine d’une vie : « le désarroi des aléas / du / désœuvrement / son désespoir et leur monotonie dans / l’enchainement des jours / sans variété ». Le recueil s’inscrit dans une tension entre la narration poétique de la vie quotidienne de Jeanne Dielman, et les éléments répétitifs, obsessionnels, faits de séquences poétiques brèves. Le temps de faire les choses, le temps de voir les choses se faire. Une forme de métaphysique de l’ordinaire et de l’imperceptible que sa profondeur transforme en expérience du présent absolu. | |||
18 Jun 2020 | La Fabrique du rouge, d'Ariane Jousse | 00:10:44 | |
Une forêt c'est ainsi qu’Ariane Jousse désigne son premier livre, La Fabrique du rouge, entre conte, prose poétique et roman. La force de ce texte est précisément dans cette volonté d'écrire un texte au-delà des genres, qui invente son propre territoire : un labyrinthe dans lequel s’égarer, perdre ses repères, dans des chemins qui se déplacent en même temps que la marche. Une série d’errances à travers la forêt qu’est devenu le monde. Un texte poétique sur les chemins du rêve et de l'exil. La Fabrique du rouge, Ariane Jousse, Les éditions de l’Ogre, 2019. | |||
07 Oct 2022 | Variations de Paul, de Pierre Ducrozet | 00:12:43 | |
Paul Maleval voit les sons et les sent vibrer en lui. Sa synesthésie « s’étend bien au-delà d’un mélange de couleurs et de sons, de formes et de lumière, elle gagne sa vie entière. » Il voyage à travers le monde au gré des musiques qu’il invente. Il part à la découverte du jazz, du rock, du hip-hop, toujours à l’affût de nouveaux sons, à la rencontre des précurseurs et des génies musicaux. Variations de Paul est une fresque sonore sur la transmission, une odyssée de la musique qui entre en écho avec l’histoire du XXème siècle. « Chaque musique dit quelque chose du monde dans lequel elle est née. À nous de la déchiffrer. » Un roman réjouissant, tourbillonnant, vertigineux, une partition intime tout en harmonies inédites, envol et contre-point aux tonalités d’épopée. | |||
10 Mar 2022 | Précipitations, de Sophie Weverbergh | 00:12:50 | |
Pétra a trente-sept ans, enceinte de son deuxième garçon, et belle-mère de deux autres enfants. Elle se sent incompétente dans son rôle de mère et surtout celui de belle-mère. Laver, plier, repasser, ranger. L’enchevêtrement des tâches domestiques la rassure : « L’éternel retour du même, ce recommencement maternant, la démultiplication des tâches ménagères, la flopée de corvées » qui lui bouche les oreilles et remplit son temps, ses creux, son vide. Elle glisse tout doucement dans l’introspection de sa vie qu’elle trouve insipide, se sentant sans cesse jugée, inutile. On suit sa lente descente aux enfers, entre ses réflexions sur son quotidien de femme et de mère au foyer, qui surgissent entrecoupées de ritournelles et de comptines de chansons qui donnent du rythme et un ton faussement enjoué au livre. Un roman singulier, caustique et saisissant, qui restitue avec justesse le malaise de cette femme qui souffre de psychose périnatale. | |||
04 Nov 2022 | Vivance, de David Lopez | 00:13:07 | |
David Lopez raconte l'échappée belle d’un homme qui décide du jour au lendemain de quitter son petit village à la recherche de son chat qui a disparu. Le roman raconte son vagabondage, à vélo sur les routes de France : la vie dans la nature, les villages qu’il traverse, les bars où il s’arrête, les gens qu'il rencontre. Vivance est à la fois le récit d'une quête intérieure, une réflexion sur nos existences, nos angoisses, nos échecs et nos doutes, le manque et l'ennui. C'est le portrait d'un homme qui ne sait pas quoi faire de la liberté dont il dispose. Un roman qui parvient à nous restituer le sentiment intérieur du monde, en mêlant différentes temporalités de cette errance singulière faite de tensions invisibles, la mise à l'écart et le jeu qui en découlent, coincé entre ce que l’on voudrait être et ce que l’on est vraiment, entre ce que l’on perçoit du monde et sa réalité. | |||
21 May 2021 | Zoner, de Bernard Chambaz | 00:11:34 | |
L’auteur fait plusieurs fois le tour des boulevards des maréchaux dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, parcourant cette ceinture parisienne aujourd’hui doublée par le périphérique. Il remonte ces boulevards le long des immeubles bâtis au siècle précédent. Son lent cheminement lui permet « d’avancer par retouches et reprises, au gré de ce ravaudage à quoi ressemble un peu – tout compte fait – ce qu’on nomme la littérature ». Poète, romancier et flâneur, Bernard Chambaz contemple, observe, décrit les lieux traversés en ravivant le souvenir des noms propres qu’il sort de l’oubli. Un ensemble de strates qui se superposent ou s’effacent de ces lieux en marge de la ville. Et c’est l’impression palimpseste qui se dégage à la lecture, celle d’une promenade au cœur des paysages, des bâtiments et des rues de Paris. |